Les nouvelles « règles du jeu »
Par Malek Ouakaoui
Ouakaoui, Malek Dr., Enseignant-Chercheur en lettres françaises et en arts du spectacle à l’Institut Supérieur des Sciences Humaines de Tunis, coopérant au Lycée Français de Bakou (Azerbaïdjan), membre du Laboratoire UMR 5316 LITT&ARTS de l’Université Grenoble-Alpes Axes de recherche : Poétique littéraire et cinématographique, géopolitique, anthropologie
في هذا المقال يرصد الباحث التونسي المقيم في فرنسا مالك وقاوي تلك التغيرات التقنية التي حصلت في ميدان السنما الفرنسية وما أتاحته من أساليب جديدة للتسويق والعرض، أساليب أعطت للسينما في فرنسا نفسا جديدا جعلها تكون قادرة على الصمود في عصر التقنيات الرقمية ووفرة المعلومة. فتقنية العرض الرقمية بالإضافة إلى التقنية نفسها على صعيد التصوير والإنتاج مكنت عشاق الأساليب التقليدية من المعجبين بما يتمتع به الإخراج السينمائي من حجم ومن دقة وجاذبية من اكتشاف طرق جديدة قادرة على مضاعفة الجودة بدرجة فائقة.
يتطرق الباحث وقاوي أيضا إلى أثر فعل الدمقرطة الذي ترسخ خاصة خلال تقلّد السيّد « فريديريك ميتيران » لمنصب وزارة الثقافة، وأثر ذلك على وفرة الإنتاج واتساع نطاق المنافسة مما مكن من اقامة مهرجانات مهمة مثل مهرجان الفيلم القصير .بـ »كلار مونت فران » الذي ينشر ما يقارب ال 5000 فيلما سنويا
Avec la révolution numérique qui a marqué le début du XXIe siècle, le cinéma a beaucoup évolué. En France, comme dans beaucoup d’autres pays, les salles se sont équipées, dans les vingt dernières années, d’outils de projection numérique qui marquent un tournant historique et révèlent une nouvelle manière de penser le cinéma, de faire des films et de les regarder. Certains nostalgiques regrettent déjà l’époque de la pellicule malgré les imperfections qui faisaient sa spécificité et la distinguaient de l’image télévisuelle. Ils semblent trouver aujourd’hui, dans l’image projetée, une trop grande définition et beaucoup de luminosité qui rompent avec la tradition du « grain », texture optique de la pellicule. Cette évolution numérique de la projection est consécutive aux nouveaux moyens de tournage. De plus en plus, les réalisateurs ont recours au cinéma digital, beaucoup plus simple d’utilisation, donnant objectivement un meilleur rendu et permettant surtout d’avoir des copies non encombrantes et par conséquent plus faciles à diffuser dans les salles de par le monde. Mais cela est à double tranchant car si auparavant les bobines ne pouvaient être fournies que par les distributeurs officiels, un support numérique – qu’il contienne un film ou tout autre fichier – est plus facilement exposé au piratage. Autrefois, les bobines étaient vendues aux salles de cinéma jusqu’au jour ou Pathé suspendit la vente au profit de la location. La société décida en 1907 d’apposer sa « marque de fabrique » sur les œuvres produites et de les louer pour plus de rentabilité sur le long terme. Ce système perdure d’ailleurs jusqu’à nos jours puisque la programmation des films dans les salles, à la semaine, en est tributaire.
Le cinéma s’est beaucoup démocratisé dans de nombreux de pays, notamment en France où depuis l’arrivée de Fréderic Mitterrand au poste de ministre de la culture, il y eut une suppression des cartes professionnelles et des autorisations de tournage sur la voie publique. Autrefois, ces autorisations étaient nécessaires dès lors qu’une caméra était posée sur un trépied. Mais il ne suffit pas d’une décision politique ou d’une levée de restrictions liées au tournage pour que tout un chacun s’improvise cinéaste. Néanmoins, une grande fourchette de prix caractérisant les caméscopes numériques donne accès à un large public de pouvoir réaliser des œuvres. Le festival international du court métrage de Clermont Ferrand qui publie chaque année un volume d’environ 5000 films montre bien que le septième art n’est plus un domaine hermétique. Nous pouvons en dire autant du Short film Corner de Cannes ainsi que de plusieurs autres festivals présents un peu partout en France dont certains sont particulièrement originaux comme celui du « film d’un jour » de Montbéliard ou encore des films très courts, de moins de trois minutes, désignés souvent de « films de poche ».
Mais qu’en est-il des longs métrages ? L’industrie cinématographique a été particulièrement prospère en ce début de siècle. Quatre grands succès ont marqué les années 2000 dès leur commencement. Les films qui figuraient en haut du box-office en 2001 étaient essentiellement français. Environs 6 millions de spectateurs sont allés voir Le Pacte des Loups (C. Gans) et Le Placard (F. Veber) tandis que La Vérité si je mens 2 (T. Gilou) et le Fabuleux destin d’Amélie Poulain (J-P Jeunet) avaient dépassé les 8 millions d’entrée à leur sortie en salle. En 2008, le film Bienvenue chez les Ch’tis (Dany Boon) atteint un score de plus de 2O millions d’entrées le plaçant juste derrière le succès de Titanic (J. Cameron, 1997).
La frénésie du cinéma numérique en France a été accentuée par l’apparition des multiplexes, ensembles comportant plusieurs salles et représentant près de la moitié des parts de marché. Bénéficiant d’une situation géographique particulière, ces multiplexes, éloignés des centres-villes disposent de grands parkings gratuits, de fauteuils plus confortables, d’espaces de vente, d’une qualité de projection moderne et surtout de salles gigantesques. Or, n’oublions pas que le spectateur va d’abord au cinéma pour voir un grand écran, ce qui permet encore aujourd’hui aux salles de continuer à concurrencer la télévision et aussi, désormais, l’ordinateur qui permet également de visionner des films chez soi. Mais évidemment, cette concurrence est à nuancer car en réalité très peu de films en France sont encore financés par la salle. Celle-ci sert essentiellement de vitrine, d’affiche publicitaire pour lancer « le produit » avant qu’il fasse sa carrière via la location en DVD, le passage dans les chaines télévisées payantes puis dans celles en clair. On comprend alors pourquoi, les producteurs font tourner de plus en plus de films au format télévisuel et négocient les aides financières auprès des chaines de télévision qui projetteront et rentabiliseront les films sur le long terme. Il est d’ailleurs beaucoup plus facile pour un producteur de discuter avec un directeur d’antenne pour l’inciter à financer un film – via les préachats par exemple – que de convaincre un million de téléspectateurs de se rendre dans les salles obscures.
L’évolution numérique du cinéma s’inscrit ainsi dans une longue histoire de concurrence avec le petit écran. Si les multiplexes ont supplanté voire évincé les salles indépendantes et les complexes, c’est aussi parce qu’on trouve souvent dans ces dernières des salles assez étroites et des écrans dont la taille est peu conséquente. Toutefois les salles d’art et essai continuent de faire de la résistance et la France reste malgré tout un pays de cinéphiles où le public cherche toujours à découvrir d’autres cinématographies que celles qui favorisent le simple divertissement et où forcément sont mis en avant – et parfois essentiellement – les effets numériques les plus spectaculaires. Beaucoup de films néanmoins se donnent à voir comme des œuvres de réflexion et d’analyse. L’une des spécificités historiques du cinéma français depuis la Nouvelle Vague, est de considérer ce cinéma, avant tout, comme un art, un langage, voire un métier. Mais une œuvre d’art, de surcroît cinématographique, n’échappe pas aux lois du marché lorsqu’elle entre dans le circuit commercial. Dès lors que des hommes d’affaire comme Charles Pathé ou Léon Gaumont s’étaient mis à invertir massivement dans ce domaine, le cinéma est devenu une industrie, qui plus est de prototype, car comme tout produit novateur mis sur le marché – et chaque film reste unique – le succès ou l’échec d’une œuvre cinématographique soumise au public est bien souvent aléatoire. Quant aux investissements liés à la rénovation des salles de projection, ils permettent une rentabilité mais sur le temps long. Ce fut le cas avec le passage du muet au parlant dans les années 1930 qui avait révélé de grands cinéastes comme Jean Renoir ou encore avec l’invention des écrans larges dans les années 1950 destinée à concurrencer la télévision dont les ménages s’étaient rapidement équipés, lors des Trente Glorieuses.
Somme toute, le cinéma est un art de l’âge industriel et son apparition en 1895 était dans l’ère du temps, celle de la frénésie des inventions, en l’occurrence liées à la reproduction de l’image et du mouvement. Il en va de même aujourd’hui : nous vivons une révolution numérique dont l’industrie cinématographique a su tirer son épingle du jeu et s’adapter aux nouvelles technologies et bien sûr aux préoccupations du moment.