« Il n’y a pas au sens strict de culture individuelle ; toute culture est une culture d’emprunt : il faut l’acquérir. Elle est le résultat d’une sorte de négociation. La culture, par définition, implique le rapport à autrui : le rapport à l’histoire, à l’entourage, à la société et au monde. On peut dire de la culture ce que l’on peut dire de toute identité individuelle ou collective : elle se construit à l’épreuve des autres. Pas de culture sans emprunt ; l’élitisme individuel devient donc contradictoire s’il est poussé à l’extrême. Mais il n’y a pas de culture nature non plus : pas de culture par simple imprégnation, pas de culture empreinte, pas de culture qui doive tout aux cieux d’Île-de-France ou de la Loire, à la lumière méditerranéenne ou aux couleurs des Tropiques…Ce spontanéisme culturel¹ n’est au contraire évoqué dans les pires cas, que pour s’opposer à d’autres, les nier ou les éliminer et interrompre ainsi le processus infini de mise à l’épreuve de la différence, de l’altérité et de l’ailleurs qui est constitutif de toute identité culturelle. Pour reprendre les termes de notre débat, je dirai que la vie de la culture, sous quelqu’angle qu’on l’envisage, est animée par le déplacement qu’elle ne cesse d’effectuer […] Ce déplacement, c’est le double déplacement de soi vers l’autre et de l’autre vers soi faute duquel il n’y a plus ni soi ni autre.«