Arwiqa Portiques – أروقة

Moufida Taltli et Jean-Claude Carrière, deux monuments du cinéma méditerranéen.

(à la mémoire de Moufida Tlatli et de Jean-Claude Carrière)

الباحث التونسي مالك وقاوي يكتب كلمات لذكرى فقيدي السنما: مفيدة التلاتلي وجون كلود كاريار

Par Malek Ouakaoui

Jean-Claude Carrière, photo de Roman Bonnefoy www.romanceor.net

On parle beaucoup cette semaine de la mort de deux figures emblématiques du cinéma contemporain qui se sont éteintes à seulement un jour d’intervalle. Le 7 février  nous apprenions la disparition de Mouda Tlatli et le lendemain, soit le 8 février, celle de Jean-Claude Carrière. Pasteur  nous a enseigné que la science n’avait pas de patrie, et nous pouvons en dire autant du cinéma qui ne connaît ou ne reconnaît pas de frontières. Pourtant si les médias et les réseaux sociaux ont relayé l’information liée à la mort de ces deux grands artistes, nous pouvons nous demander si le grand public, qu’il soit de Tunisie ou de France, les connaît réellement et aussi bien l’un que l’autre.

Moufida Tlatli

Moufida Tlatli est une cinéaste tunisienne dont le nom est souvent associé à un titre de long métrage qui l’avait mise sur le devant de la scène après une longue carrière de monteuse au service d’autres cinéastes. Les Silences du palais est ce film de 1994 qui connut un grand succès à sa sortie en salles aussi bien en Tunisie qu’en France. Cette œuvre de fiction qui raconte le retour d’une jeune femme dans le palais Beylical où travaillait sa mère, permettait d’inscrire la petite histoire dans la grande Histoire. Alia, l’héroïne découvrait, en même temps qu’elle entrait dans l’adolescence, l’existence de deux mondes distincts, celui de l’aristocratie beylicale et celui de la classe ouvrière dont elle faisait partie. Et parallèlement à cela, on découvre aussi à travers le regard de l’héroïne le rapport qui existait entre la Tunisie et la France à l’époque du protectorat. 

Jean-Claude carrière est connu surtout pour être l’une des meilleures plumes françaises de son temps. Nous connaissons l’écrivain mais aussi le scénariste. La Belle du jour est un bon exemple de ce cinéma littéraire qu’incarnait souvent Jean-Claude Carrière. Ce film datant de 1967 est en effet une adaptation du roman de même titre de l’écrivain Joseph Kessel et mis en scène par le réalisateur d’avant-garde Luis Buñuel. Comme on pourrait s’attendre d’une œuvre de Buñuel, l’histoire paraît assez surréaliste. Mais elle prend en quelque sorte le contre-pied du bovarysme flaubertien. Car l’héroïne du film, Séverine Serizy, interprétée par Catherine Deneuve, vit une situation comparable à celle d’Emma dans Madame Bovary de Gustave Flaubert. Dans les deux œuvres, il est question du drame d’une dame en proie à l’illusion de pouvoir vivres des fantasmes qui s’avèrent illusoires, et de manière plus générale de l’abîme infranchissable qui peut exister entre les aspirations de l’être et l’incapacité du monde à les satisfaire.  Le dénouement de La Belle du jour n’est pas aussi tragique que celui de Madame Bovary. En effet si Emma finit par se suicider, Séverine au contraire est transfigurée par le vice qu’elle finit par dépasser pour rentrer de nouveau dans le rang. Jean-Claude Carrière avait coécrit le scénario de ce film de Buñuel.

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